JabreZAD, un collectif anar' qui fait tourner une Recyclerie en Ardèche

         Jabrezad a une place particulière dans nos cœurs car c’est le premier lieu dans lequel nous sommes allé.es tous les trois, le lieu dans lequel nous nous rejoignons pour commencer enfin notre aventure, notre projet sur le terrain, notre film-documentaire.

Sur les hauteurs d’un village ardéchois, Le Cheylard, nous avons découvert un terrain de presque deux hectares (1.8 pour les curieux) sur lequel est situé le collectif Jabrezad, qui n’est, contrairement à ce que son nom l’indique, pas vraiment une ZAD (Zone A Défendre), ce nom lui a été donné au moment où la mairie a ordonné la déconstruction de deux cabanes légères construites sur le terrain devenue non constructible. Ce terrain a été acheté en 2016 par Nicolas, jeune rêveur anarcho-marxiste souhaitant faire de ses idées une réalité : l’idée est d’y faire vivre en communauté autogérée, pour y créer de nouveaux modes de vie et enfin allier “la théorie à la pratique” . Ce terrain, situé sur une douzaine de terrasses typique de l’Ardèche et héritées de l’agriculture passée (les cultures en terasses qui facilitaient les ruissellement d’eau et son infiltration et lutter contre l’érosion), est constitué de deux anciennes maisons tombées en ruine, une forêt qui abrite la cabane suspendue des toilettes sèches, et une maison collective avec une large vue sur la vallée. Depuis, 7 collectifs différents y ont vécu et y ont laissé des traces : des cabanes ont été construites et déconstruites, un cinéma en plein air existe, on peut aller chercher des herbes aromatiques ainsi que quelques légumes dans le jardin. Aujourd’hui il existe même un monte-charge électrique (le fameux funiculaire) permettant de monter les courses, matériels et autres jusqu’aux hauteurs de Jabrezad, tant le chemin pour y accéder est pentu (et presque dangereux). Hélas, la pente est telle qu’elle en décourage plus d’un.e à monter lors des apéros collectifs de l'association des vendredis soirs (à l’instar de DD, 85 ans, qui y est monté pour une “première et dernière fois”).

Au Cheylard, Jabrezad (le lieu de vie) n’est pas vraiment connu, c’est plutôt son antenne Jabr’asso, responsable de la recyclerie du village qui l’est. Cette recyclerie est le gagne-pain du collectif : les bénéfices financent une partie des charges de Jabre : le loyer de la recyclerie, les chantiers, et les courses classiques pour des produits de base comme le savon. Pour compléter les revenus, les habitant.es font la récupération d’invendus sur le marché ou au supermarché du village et du troc de service (iels sont nombreu.ses à savoir tout faire : élagage, bricolage, simple déménagement, etc.). Le lieu, au départ supporté financièrement par Nicolas, a dû trouver un moyen de se financer quand les fonds manquaient. En 2018, est décidé de créer la Recyclerie. Les Trésors du fond de la benne sur une ancienne station essence, un moyen d’allier les idées politiques écologiques (revalorisation des déchets) et de gagner de l’argent. A cela s’ajoute le lien social qui est engendré par cette dernière : des bénévoles, majoritairement âgés, se retrouvent sur place, iels nous ont témoigné leur joie d’y travailler. Des prix solidaires existent pour les produits de nécessité (livres, culture, produits pour enfants, vaisselle).Sur Jabrezad certains chantiers importants n’ont cependant jamais avancé, telle la reconstruction de Javon (une des maisons en ruine), ce qui interroge sur la possibilité de construire un collectif stable à la fois dans le temps et qui répartit le travail de manière égale quand les parties ne sont pas égales.

Nicolas étant le seul propriétaire, il n’a pas toujours la même place que les autres, ce qui peut expliquer les nombreux changements de collectifs qui ont eu lieu en si peu de temps : une situation qu’il souhaite plus pérenne car ces changement pèsent sur son équilibre mental et émotionnel. Les positions contre la propriété privée de Nicolas et du collectif se confrontent parfois à une réalité plus difficile : abandonner le fruit de son travail (l’achat du terrain) pour le collectif (l’idée du don du lieu au collectif était ce qu’il souhaitait au départ) est un choix dur à faire. Au moment de notre présence, 3 membres sur 9 permanent.es du collectif étaient sur place dont Nicolas. Pierrot, le plus âgé, travaillant la journée et nous retrouvant le soir et Christian, qui gérait la vie de la Recyclerie ( et la majorité de l’intendance du lieu. Avec eux, une demi-douzaine de woofeur.eurses, comme nous, venu.es pour un chantier participatif ou pour s’occuper de la Recyclerie, ce que nous faisions (4 demi-journées de travail/semaine). Les missions que chacun.e réalise se font sur la base de l’autogestion et d’autonomisation de chacun.e. Les règles ne déterminent pas précisément ce que tu fais: si tu veux créer des panneaux, tu le peux, si tu veux ranger, tu le peux, si tu veux te prendre pour une bibliothécaire et ranger les centaines de livres par ordre alphabétiques et rubriques, tu le fais, etc. Cela s’applique dans la vie de tous les jours : la/les personnes qui font le repas ne sont jamais déterminées à l’avance, cela se fait sur la base du volontariat. L’horizontalité est donc à la base du système de gouvernance.

Fidèle aux convictions des habitant.e.s, Jabrezad est un lieu ouvert aux gens de passage : tout le monde y est le.la bienvenu.e, des personnes SDF y ont vécu, ainsi que des jeunes en difficulté psychologique. Bien que Jabre ait traversé des crises humaines (liées pour la plupart au fameux ‘putain de facteur humain' souvent rencontré au sein des collectifs), politiques, on y a rencontré une énergie folle, des personnages incroyables qui nous ont donné qu’une envie : continuer notre voyage.