La Commune imaginée du Bandiat dans le Périgord Vert: cultivons les communs qui nous unissent !

Étude de terrain de Septembre 2022

12/1/20224 min read

Après de longues heures de stop sans vraiment savoir où nous allions atterrir, nous sommes arrivé.es dans un petit village dans le Périgord Vert, à Piégut-Pluviers. Dans la continuité de la grande rue commerçante, une petite auberge au style « rétro », toute décorée de dessins et de prospectus pour des artisans, des soignants, des animations nous accueille pour une nuit. On sent que ça vit par ici ! Cette auberge auto-gérée et à prix libre tourne grâce au collectif de la Commune Imaginée du Bandiat (ou C.I.B), soit uniquement par des bénévoles. Nous les avions contacté quelques semaines auparavant pour prévenir de notre arrivée. Ici le maitre mot c’est l’autogestion, et nous le comprenons dès notre arrivée. Que ce soit dans l’auberge du centre-ville ou sur les autres terrains qui appartiennent à l’asso (celui de Nanteuil, de Villemercier et de Puy Chevalier), les volontaires sont libres de décider de leur engagement et des actions qu’iels entreprennent pour le collectif. Par exemple, deux fois par semaine, un habitant pâtissier organise des ventes de délicates pâtisseries dans un esprit "salon de thé" dans l'auberge. Ce lieu permet donc au collectif de s'ouvrir sur l'extérieur, tout en créant du lien avec la population de Piégut et des communes alentours. La C.I.B se définit comme un réseau solidaire qui regroupe l’auberge, les terrains et les volontaires. Le réseau est sans cesse redéfini : des membres s’ajoutent pour devenir porteurs de projets, dont certains sont sous contrat de droit d’usage avec l’association. La C.I.B dispose de baux emphytéotiques pour les terrains et n’importe qui peut venir s’y installer ou monter un projet, après l’accord du Cercle Gestion des Communs de l’association.

Sur leur site internet, on peut lire: « Cultivons les communs qui nous unissent », phrase qui résume bien la philosophie du lieu. Les communs regroupent tout ce qui partagé ici ; les serres et terrains agricoles cultivés collectivement, des lits dans les yourtes, des espaces pour cuisiner, se laver, se détendre, mais aussi tous les objets, ustensiles et aliments qui sont mis en commun. Par exemple, il y a un pot pour les courses où chacun met 30 euros par semaine environ (somme qui peut être revue à la baisse en fonction des ressources de la personne), dans laquelle les personnes qui font les courses – qui tournent selon les jours – piochent pour faire les emplettes au marché quand il n’y a pas assez de fruits et légumes sur place, au Carrefour même s’iels essayent d’éviter, mais surtout dans une super épicerie autogérée qui vend céréales, protéines de soja, etc. en vrac proche de la C.I.B ! Vous l’aurez compris, la propriété privée exclusive est minoritaire dans ce lieu, on la retrouve seulement dans les espaces privés donc les camions, voitures ou habitats légers personnels. Et encore, quand un.e habitant.e n’est pas là, iel le met souvent à disposition des autres qui restent sur place ! Les habitant.es logent sur les terrains dans les logements communs ou dans leur camion, soit dans l’auberge, ça tourne, ça dépend de leurs envies, des choses à faire. Par exemple, la veille du marché qui a lieu dans Piégut, l’auberge est pleine à craquer de bénévoles qui tiennent un stand vendant les fruits et légumes cultivés sur leurs terrains à prix libre et conscient. Elle est aussi bien remplie quand, une à deux fois par semaines lorsque les récoltes sont bonnes, les volontaires font toustes ensemble l’atelier « transfo ». Nous avons participé, par exemple, à la transformation de tomates en sauce dans des bocaux stérilisés qui serviront soit à la vente soit à leur propre consommation cet hiver.

Dans ce lieu, nous nous sommes sentis chez nous, directement. On s’y sent libre d’expérimenter, de prendre des initiatives, de créer et d’échanger avec les autres. Nous avons rencontré des gens de passage, comme nous, des habitués qui reviennent souvent, mais aussi des habitant.es qui sont là depuis un bout de temps et qui croit dur comme fer au projet ! Nous avons apprécié la dimension intergénérationnelle, les habitant.es allant de 19 ans à plus de 60. Tout ce beau monde crée une constellation d’individus motivés, méticuleux et organisés qui prennent soin des différents terrains. Quand nous étions là, nous avons surtout aidé à monter une yourte d’un habitant qui s’installe sur un des terrains. D’ailleurs, ce n’était pas le seul à avoir été charmé par le dynamisme du lieu et à avoir décidé de s’y installer durablement ! Nous avons senti une réelle coopération dans la joie et la bonne humeur cette semaine-là. Toustes les habitant.es ont aidé ce nouvel arrivant de bon cœur, qu’il pleuve ou qu’il vente, pour qu’il puisse poser la première pierre de sa nouvelle vie. Nous en retirons un climat d’entraide et de joie, un lieu très humain. Par exemple, quand il faisait un peu froid le soir, nous nous sommes retrouvé.es avec quelques habitant.es et deux personnes qui n’habitent pas loin du terrain Villemercier, dans la grand yourte principale, pour faire des chants polyphoniques et divers ateliers dans les rires et dans la musique!

Ce lieu ressemble à un rêve qui a pu se réaliser. Pleins de jeunes ont décidé de créer une utopie écolo ensemble, de redonner du sens aux communs. Iels essayent réellement d’avoir un moindre impact écologique, même si la dépendance à la voiture est encore prégnante... Par exemple, iels utilisent des bassines pour nettoyer les plats, font vraiment attention à la ressource en eau, utilisent très peu d’électricité notamment grâce au partage des espaces et des biens, tendent vers une autonomie alimentaire (ou au moins locale) et le terrain est totalement autonome d’un point de vue énergétique grâce à des panneaux solaires ! Cependant, nous nous sommes demandé à quel point ce projet est pérenne. En effet, les créateurs de la C.I.B sont moins impliqués qu’au début dans le projet, en espérant une reprise et un suivi, qui fonctionne pour l’instant, mais sans réelle stabilité préétablie. De plus, les terrains agricoles ont besoin d’être entretenus et, lorsque les habitant.es qui s’en occupent et qui possèdent les savoir-faire ne sont pas là, certaines cultures risquent de dépérir, et c'est la limite de ce modèle très peu organisé.