Les Jardins de Miramont, un éco-lieu dans le Gers

Étude de terrain d'Août 2022

12/1/20224 min leer

                Nous avons choisi de nous rendre dans l’éco-lieu “Les Jardins de Miramont”, que nous avons contacté via le site Workaway. Miramont d’Astarac se trouve dans le Gers, petit village de moins de 400 habitants, à 20 minutes d’Auch. Les Jardins de Miramont avaient des retours enthousiastes et nous voulions découvrir un lieu collectif habité par des personnes installées de façon définitive et dans une démarche d’autonomie alimentaire.

Un éco-lieu est un lieu de vie où se mêlent concrétisation pratique d'une utopie et mise en pratique d'un idéal commun. Lorsque nous sommes arrivé.es, nous nous sommes directement senti chez nous. Michel, anciennement infirmier sur l'île de Saint-Martin et créateur du lieu, nous a accueilli chaleureusement dans ce petit havre de paix. Ici, dix personnes au moins habitent les lieux sur l’année, dont une famille avec deux enfants, deux personnes seules ayant lancé leur activité sur place et un couple. Dans la grande bâtisse, iels partagent les repas, organisent des activités, des méditations, dans les espaces partagés et gardent un espace d’intimité dans leurs chambres.

Lors de la création du lieu, Michel et deux autres personnes ont monté une Société Civile Immobilière (SCI) pour gérer le lieu, en s'inspirant de plusieurs lieux collectifs qu’iels avaient visité, dont le village de Pourgues. La SCI permet de gérer en commun un bien immobilier, chaque associé possédant une part égale à son apport. Aujourd’hui, comme la famille s’agrandit et que Michel souhaite que le projet soit pérenne, plus stable qu’une SCI et payer moins de frais de notaires, iels élaborent ensemble une SAS coopérative. Chaque personne doit investir 8 heures de son temps par semaine pour le collectif et payer un “loyer” par mois, à peine plus cher que le montant des charges. Le terrain mesure 10 hectares et regroupe une grande forêt, un lac artificiel, un parc à lamas et… une ferme ! La Ferme de Noé, gérée par la fille de Michel et son époux en reconversion professionnelle, se trouve à quelques centaines de mètres de la grande bâtisse des Jardins de Miramont. Elle produit des fruits et légumes biologiques que le couple vend sur place, deux fois par semaine dans une logique de « vente à la ferme », une fois par semaine au marché du village, ainsi que quelques fruits et légumes à la Biocoop la plus proche. Si besoin, les habitant.e.s donnent des coups de main au couple qui ne paie pas de loyer ou de « fermage » mais participe au lieu en donnant chaque semaine des fruits et légumes selon les récoltes.

L’agrandissement du collectif et la bonne entente générale qui y règne a été permis, selon Michel, par le fait que chacun.e.s puisse créer son projet personnel et que le lieu permette à des gens de se lancer dans une activité professionnelle sans trop de coûts. Par exemple, Marie lance sa micro entreprise en plantes médicinales après avoir obtenu un BPREA l’année dernière. Une autre personne compte retrouver son activité de Doula (accompagnement à l’accouchement) alors que son mari va développer son activité d'ébéniste. Le collectif est en lien avec les autres habitant.e.s et le territoire grâce aux cours de yoga donnés dans la bâtisse, la vente de plats cuisinés maison, des projections/débats ouverts au public, ainsi que grâce à la ferme de Noé. Il a également accueilli plusieurs fois des jeunes en réinsertion pendant quelques jours, des éclaireurs et est ouvert d’accès pour l’installation temporaire de personnes en van ou souhaitant faire du camping sauvage (accès aux douches, toilettes etc). Sont organisés également des « séjours immersion » pour les personnes en reconversion professionnelle, changement de vie ou autre, et qui aimeraient découvrir leur mode de vie, de fonctionnement. Enfin, il accueille aussi beaucoup de wwoofeurs, et cela toute l’année. Les wwoofeur.euses présent.es sur les lieux, comme nous, passent la matinée au champ: une réelle transmission de la part des fermier.es nous a permis d’en apprendre davantage sur leur méthodes de maraîchage. Toutes les personnes de passage peuvent aussi admirer leur mode de vie écologique : iels cuisinent en gros, avec des produits locaux, réalisent de la transformation de produits pendant l'été pour l'hiver, ont un système de chauffage de l'eau "low tech", des douches partagées, des toilettes sèches. Par contres iels dépendent encore du système électrique traditionnel et ne font pas particulièrement d'économies sur ce point.

Concernant l'aspect humain, dans ce lieu, une grande attention est portée à la communication et la confiance entre les individus. Toutes les décisions sont prises à l’unanimité. Il existe une charte pour poser les principes fondamentaux du lieu mais celle-ci ne présente aucune valeur juridique. Une fois par semaine, en dehors des réunions plus administratives concernant les changements de statut du collectif, est organisé un temps d’échange où les habitants peuvent faire part de leurs émotions, de leurs peurs, de leurs idées autour d’un bâton de parole et d’un calme serein. Puis, pour l’organisation du temps de chacun, un tableau permet aux habitants d’écrire ce qu'iels veulent faire pour le collectif, à quel moment de la semaine, dans un principe d'autogestion. On peut sentir que les créateurs du lieu ont beaucoup réfléchi au modèle qu’ils ont mis en place, pour entrer dans une logique de changement de paradigme. Ils sont notamment en lien avec plusieurs autres éco-lieux et réseaux d’accompagnement (comme les Passages) dans le but de créer une nouvelle société et des réseaux parallèles aux institutions traditionnelles (financières, juridiques, foncières etc). Leur ambition est de sortir le lieu de la propriété privée au bout de 100 années d’acquisition, donc d'inscrire leur projet dans le temps, en véhiculant des valeurs comme le respectueux du vivant et l’accessibilité à tous, même si pour l’instant il est nécessaire de payer un “ticket d’entrée” pour entrer dans la coopérative.

Pour conclure, ce lieu nous a surtout appris sur les relations humaines et les choses à mettre en place pour privilégier un cadre favorable à l’échange et au respect des limites de chacun.e.