Une semaine de rencontres dans la Drôme - présentation des lieux
Les Jardins de Samarre, l'Atelier des Alvéoles, l'Oasis de Serendip, l'Îlot 1000 feuilles, Terre de Liens, le Château Pergaud, Agri-Court et l'association de la Biovallée : Étude de terrain d'Août 2022
À Allex, l’association de l’Université de l’Avenir et ses 14 coopérateurs.rices achètent ce magnifique château pour monter un projet d’habitat intergénérationnel après la création d’une SCI Société Civile Immobilière qui leur a permis d’investir collectivement. Le Pergaud repose sur trois piliers: la recherche d’une autonomie alimentaire (maraîchage sur 2500m2) et énergétique (éolien); la dimension artistique et culturelle avec l'accueil de nombreux.euses circassiens.ennes et de concerts, bals, spectacles; et enfin l’épanouissement du collectif pour vivre ‘solidairement et harmonieusement'. Le profil des habitant.e.s-qui sont maintenant 20 adultes et 10 enfants permanent.es- est très divergents, mais reste accessible qu’à une certaine détention d’un capital financier car l’installation nécessite un investissement dans les parts de la SCI. https://www.chateaupergaud.fr/
Le projet des Alvéoles est riche : à la fois bureau d’étude et de conseil (L’Atelier) qui accompagne sur des projets de paysage régénératifs et centre de formation spécialisé en permaculture (L’Université); situé dans les hauteurs des collines de Aouste. Sur les lieux, nous y avons découvert la richesse des jardins expérimentaux avec 3 hectares de terrains dédiés à la pépinière, aux jardins-forêt, à la serre bioclimatique et aux potagers ainsi que 12 hectares de bois. Nous avons pu y rencontrer Samuel qui nous a introduit à la notion de permaculture, la “science et l’art de concevoir des écosystèmes résilients, empreints de créativité et de possibilités et d’humilité à l’égard du vivant”. La permaculture, qui ne pourrait être résumée en quelque phrases, intègre une dimension qui invite à puiser notre inspiration dans l’observation du vivant (biomimétisme, bio inspiration) en questionnant les différentes places au sein d'écosystèmes complexes; une approche d’itération qui intègre les incertitudes et l’apprentissage constant (refusant ainsi une approche de recherche d’une finalité/but précis). La permaculture est aussi humaine et sociale et interroge notre place au sein de l’environnement qui nous entoure. Un exemple concret : nous avons pu découvrir le système d’irrigation basé sur l’hydrologie régénérative, qui cherche à baisser les besoins en eau en la retenant dans les sols grâce à un système de bessières- dans le but de faire ralentir le cycle de l’eau verte(*). Les alvéoles aident ainsi un grand nombre de personnes à se lancer dans des techniques de maraîchage bien plus respectueuses de l’environnement que les méthodes conventionnelles. Leur site propose le téléchargement gratuit de super guides pratiques sur des ressources pédagogiques autour de la permaculture. https://www.atelier-alveoles.fr/
*L’eau verte est celle résultant de l’évaporation depuis les continents puis qui se verse sous la forme de pluie sur le territoire. Elle représente 60% de l’eau douce disponible. L’idée de l’hydrologie régénérative est ainsi de ralentir ce cycle-là en permettant à la pluie de davantage s’infiltrer dans les sols, sachant que l'ingénierie d’une cuve est 800 fois moins efficace que le stockage dans le sol lui-même. L’eau remontant par capillarité, par le bas et de manière verticale pour nourrir les plantes, il paraît donc urgent de faire en sorte d’augmenter la capacité des sols à absorber l’eau des pluies grâce à leur qualité et aux forêts alentours, absorption qui se trouve fortement dégradés pour les sols pauvres.
Nous avons retrouvé Samuel le soir-même à Eurre sur l’oasis de Serendip, un rêve utopique qui s’est réalisé en projet concret en 2015, lors de l’achat de cette ancienne ferme et 12 hectares de terrain, avec un collectif qui ne se connaissait pas auparavant et dont la difficulté du facteur humain s’est rapidement fait ressentir. L’idée était de créer un lieu d’habitation, d’apprentissage et d’expérimentation en permaculture: beaucoup d'intérêt est porté sur l’agriculture expérimentale. Lors de notre soirée sur les lieux, nous avons déambulé entre des grandes lignes de vergers fruitiers, une culture de plantes médicinales et aromatiques au sein d’un mandala, cela fait tout en questionnant à chaque fois la manière d’être le plus résilient possible en énergie, en eau, et sans avoir la nécessité d’utiliser des technologies modernes et machines. Le projet est encore en cours d’installation aujourd’hui après son arrêt à cause de nombreuses désillusions, de conflits au sein du collectif ainsi que des problèmes avec leur acceptation par la Mairie. Notre découverte nous a permis de nous rendre compte de la complexité de l’installation d’un tel projet et surtout de l’importance du “putain de facteur humain” qui pointe la complexité des interaction humaines.
:En octobre 2020, deux jeunes locaux décident de reprendre un terrain de 4000m2, en friche depuis 20 ans, et appartenant à un particulier consentent, pour le transformer en jardin dans lequel serait pratiquée la mise en commun des terres et la mutualisation des biens (outils, eau, etc). L’association se définit comme “un espace autogéré de dialogue avec la force des expériences”. Sur ce petit bout de paradis géré par 20 bénévoles sont organisés, entre autres, des évènements culturels, des jours de plantations collectives mobilisant plus de monde, des cours avec des élèves de l’école primaire de la commune (qui ont leur propre parcelle), des ateliers les dimanches pour construire des nichoirs ou encore créer ses boutures. Le but de ce projet intergénérationnel est le partage des compétences et des savoirs entre bénévoles afin de former une communauté d’apprenant.es, leur redonnant ainsi des bases solides et de la confiance en leurs talents manuels. Les créateur.rice.s défendent l’idée qu’il faut de la diversité de modèles pour permettre l’expérimentation et portent l’idée de faire de la “politique par la pratique”. Il s’agit ainsi d’un projet “politique sans être politisé”, qui revendique par ailleurs le droit à la gratuité, questionnant ainsi nos habitudes, en ayant mis en place un système basé sur le besoin permettant à tout le monde, sans condition de travail, de se servir gratuitement.
Nous avons rencontré Valentine, bénévole dynamique et optimiste de Terre de Liens, qui nous a fait part de son expérience au sein de la grosse machine qu’est devenue terre de liens et son rôle de contre-pouvoir. Cette association de 1300 bénévoles actif.ve.s a été créée dans les années 1970s, par un collectif de néo ruraux ancré dans un mouvement d'éducation populaire et de lutte pour une vision sur le long terme défendant l’accès au foncier aux petits producteur.rice.s, l’agriculture biologique et se souciant du bien-être des agriculteur.rice.s. La création d’une foncière puis d’une fondation a permis de récolter une épargne privée afin de mettre à disposition des terres aux paysan.es qui portent des projets variés. Les projets sont choisis par les bénévoles et doivent répondre à des obligations de respect de l’environnement et des travailleur.rice.s. Créée par des individus ayant des connaissances pointues du secteur de la finance et du droit, elle représente une structure légale et juridique bien pensée et possible grâce à l’articulation du réseau associatif, de la foncière et de la fondation. La division du réseau associatif en 19 associations territoriales régionales avec un conseil d’administration puis des groupes locaux, comme par exemple dans la Drôme, permet aux futur.e.s fermier.es d’avoir une expertise la plus proche possible du terrain, et une mise en réseau directe avec les autres projets, acteur.rice.s et associations du territoire. Leur but est de sortir des logiques de spéculation foncière et de répondre à une urgence de notre époque : sauver les terres agricoles. Leur action interpelle : leur site de petites annonces pour les paysans est d’ailleurs plus visité sur internet que celui de la chambre de l’agriculture. https://terredeliens.org/ https://www.objectif-terres.org/
Depuis 2011, l’association Agri Court porte le projet de lier la restauration collective avec les producteurs locaux drômois. En tant que fournisseuse, ayant gagné des marchés publics, Agri Court s’est forgée une place au sein des cantines des établissements scolaires de la Drôme, la restauration collective représentant 80% de son chiffre d’affaires. L’association fonctionne en flux tendus, c’est-à-dire que ses client.e.s commandent parmi un large choix de produits, et en fonction de ces commandes, elle commande aux producteur.rice.s, qui à leur tour livrent les produits sur leur plateforme à Eure. Enfin Agri Court assemble les commandes et les livre aux restaurants collectifs. La petite centaine de producteurs drômois et ardéchois (deux départements avec des productions complémentaires) conventionnés avec l’association est à environ 90% en agriculture biologique, le reste étant majoritairement en conversion, et tout ce beau monde n’est pas mis en concurrence : seul compte les bonnes pratiques et l’ancienneté. La juste rémunération des producteur.rice.s et la prise en compte de leur structure sont des valeurs fondamentales qu’Argi Court souhaite respecter « quitte à rogner les marges », comme nous le présente Jeanne, la responsable relation-producteurs. Grâce à un travail de planification des commandes, Agri Court anticipe ses besoins au début de l’année et détermine avec les producteur.rices les volumes sur lesquels il.elles souhaitent s’engager : en fonction de cela les producteur.rice.s peuvent planter leurs semis. D’ici la fin de 2022, l’association a pour but de devenir une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), un statut juridique prenant en compte chacune des parties prenantes et permettant d’améliorer la gouvernance. Par la suite, l’association souhaiterait obtenir un label équitable pour pouvoir, dans le cadre de la Loi Egalim 2 (obligation d’un pourcentage de produits ayant une certaine qualité : bio, équitable, etc.), élargir son impact car il sera un argument en plus pour les restaurants collectifs). https://agricourt.fr/
Nous avons rencontré le collectif d'agriculteur.rice.s l’Ilot 1000 feuilles, sur leur lieu de production situé dans la commune d’Eurre : c’est Corine d’ « Eclat de Vert » qui nous a accueilli.es: elle gère une entreprise individuelle de production de plantes à parfums, aromatiques et médicinales. Deux autres entreprises sont présentes sur le lieu : « Les Voix Lactées », deux bergères-fromagères avec un troupeau d’environ 50 brebis en lactation et « Le Chant des Carottes », un maraîcher bio. Entre les membres de cette association, partager ce terrain faisait sens puisqu’il.elles ont une idée commune de ce que devrait être l’agriculture : aller vers une approche agro-écologique et travailler sur de petites surfaces. Les structures communes à ces trois entreprises, telles leur boutique sur place, ouverte les mercredis ou leur bureau, sont gérées par l’association L’Ilot 1000 feuilles. À l’inverse, les profits de chaque entreprise n’est pas mis en commun, ce qui convient le mieux selon Corine, notamment car il existe de fortes inégalités de rémunération entre les activités. Après avoir été supportés trois ans par l’association Les compagnons de la terre (2015-2018), dont le but était de mettre à disposition des terres à des personnes souhaitant créer leur projet pour une durée de trois ans (à travers un contrat d’appui au projet d’entreprise), iels souhaitent racheter avec Terre de lien le lieu sur lequel iels avaient travaillé. Finalement, le rachat fut rendu impossible car la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural),a effectué une plus-value sur la vente, ce qui était contraire aux principes de Terre de lien. En 2019, la Communauté de commune CCVD a pu racheter ce terrain et le leur louer sous la forme de baux ruraux environnementaux (nouvelle forme de bail prévu par la loi d'orientation agricole de 2007, qui vise à imposer des pratiques plus respectueuses de l'environnement sur les parcelles désignée: un propriétaire d'une terre (bailleur) loue à un agriculteur (preneur) en imposant certaines conditions de respect de l'environnement, généralement sur la base d'un plan de gestion). Mis à part les difficultés humaines (le fameux putain de facteur humain) rencontrées, le collectif est aujourd’hui inquiet quant à son accès à l’eau, l’été ayant été très sec dans la Drôme. Face aux commentaires de la préfète rassurant la population drômoise sur la sécurité alimentaire qui serait soit-disant garantie par les grandes surfaces (donc pas besoin de s’inquiéter, rire cynique), la réalité est tout autre : leur impossibilité de planter à temps les productions d’automne par manque d’eau et la frustration de voir de l’eau versée en grande quantité sur des grands champs de monoculture rend le mois d’août compliqué.
L’association Biovallée, dont la marque avait été déposée en 2002 par le Val de Drôme, a été créée en 2012 dans le but de valoriser la marque à l’international et de renforcer la mise en réseau entre les acteur.rices du territoire. Il s’agit donc de mettre en commun des ressources par des acteur.rice.s d’un même territoire, en vue de les économiser, de les réutiliser ou d’en améliorer l’usage face aux besoins : par exemple le partage d’infrastructures, d’équipements, etc. La gouvernance partagée était initialement composée de trois collèges : entreprises, assos, collectivités, il y en a aujourd’hui quatre car s’est ajouté le collège des habitant.es. Au cours de notre rencontre avec l’association, on nous fait part de leur volonté de faire naître un collège pour les non-humains. Le conseil d’administration de l’association est composé de 24 personnes, 6 personnes élues par chaque collège. En 2017, l’association a porté son projet le plus important : la candidature de la Biovallée au projet Territoires d’innovation grande ambition (Tiga) mené par le Secrétariat général pour l’investissement à l’échelle étatique. La candidature rassemblait trois intercommunalités : Communautés de Communes du Diois, Crestois-Pays de Saillans et Val de Drôme. Le but était de faire du territoire un laboratoire d’expérimentation pour la transition écologique dans les milieux ruraux. La candidature ayant été validée en 2019, le budget prévisionnel du projet est de 53 millions d’euros, dont 5,7 millions prévu de subvention par l’Etat (dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir – PIA) et 12,8 millions d’euros de potentiel d’investissement par l’Etat. Ce projet, qui touche 56 000 personnes via 29 partenaires dont les trois collectivités, a des objectifs ambitieux à l’horizon 2030 comme développer une agriculture biologique à hauteur de 80% ou réduire de 30% le tonnage de déchets. C’est une « collaboration historique » entre tous.tes les acteur.rices qui a eu lieu, comme nous le dit Claude Boudeulle (vice-présidente de l’association) quand nous la rencontrons.
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LES JARDINS DE SAMARE
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LES ALVÉOLES
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L'OASIS DE SERENDIP
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TERRE DE LIENS
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CHÂTEAU PERGAUD
:
CHÂTEAU PERGAUD
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ILOT 1000 FEUILLES
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AGRI COURT
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BIOVALLÉE
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LES JARDINS DE SAMARE
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:En octobre 2020, deux jeunes locaux décident de reprendre un terrain de 4000m2, en friche depuis 20 ans, et appartenant à un particulier consentent, pour le transformer en jardin dans lequel serait pratiquée la mise en commun des terres et la mutualisation des biens (outils, eau, etc). L’association se définit comme “un espace autogéré de dialogue avec la force des expériences”. Sur ce petit bout de paradis géré par 20 bénévoles sont organisés, entre autres, des évènements culturels, des jours de plantations collectives mobilisant plus de monde, des cours avec des élèves de l’école primaire de la commune (qui ont leur propre parcelle), des ateliers les dimanches pour construire des nichoirs ou encore créer ses boutures. Le but de ce projet intergénérationnel est le partage des compétences et des savoirs entre bénévoles afin de former une communauté d’apprenant.es, leur redonnant ainsi des bases solides et de la confiance en leurs talents manuels. Les créateur.rice.s défendent l’idée qu’il faut de la diversité de modèles pour permettre l’expérimentation et portent l’idée de faire de la “politique par la pratique”. Il s’agit ainsi d’un projet “politique sans être politisé”, qui revendique par ailleurs le droit à la gratuité, questionnant ainsi nos habitudes, en ayant mis en place un système basé sur le besoin permettant à tout le monde, sans condition de travail, de se servir gratuitement.
LES ALVÉOLES
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LES ALVÉOLES
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Le projet des Alvéoles est riche : à la fois bureau d’étude et de conseil (L’Atelier) qui accompagne sur des projets de paysage régénératifs et centre de formation spécialisé en permaculture (L’Université); situé dans les hauteurs des collines de Aouste. Sur les lieux, nous y avons découvert la richesse des jardins expérimentaux avec 3 hectares de terrains dédiés à la pépinière, aux jardins-forêt, à la serre bioclimatique et aux potagers ainsi que 12 hectares de bois. Nous avons pu y rencontrer Samuel qui nous a introduit à la notion de permaculture, la “science et l’art de concevoir des écosystèmes résilients, empreints de créativité et de possibilités et d’humilité à l’égard du vivant”. La permaculture, qui ne pourrait être résumée en quelque phrases, intègre une dimension qui invite à puiser notre inspiration dans l’observation du vivant (biomimétisme, bio inspiration) en questionnant les différentes places au sein d'écosystèmes complexes; une approche d’itération qui intègre les incertitudes et l’apprentissage constant (refusant ainsi une approche de recherche d’une finalité/but précis). La permaculture est aussi humaine et sociale et interroge notre place au sein de l’environnement qui nous entoure. Un exemple concret : nous avons pu découvrir le système d’irrigation basé sur l’hydrologie régénérative, qui cherche à baisser les besoins en eau en la retenant dans les sols grâce à un système de bessières- dans le but de faire ralentir le cycle de l’eau verte(*). Les alvéoles aident ainsi un grand nombre de personnes à se lancer dans des techniques de maraîchage bien plus respectueuses de l’environnement que les méthodes conventionnelles. Leur site propose le téléchargement gratuit de super guides pratiques sur des ressources pédagogiques autour de la permaculture. https://www.atelier-alveoles.fr/
*L’eau verte est celle résultant de l’évaporation depuis les continents puis qui se verse sous la forme de pluie sur le territoire. Elle représente 60% de l’eau douce disponible. L’idée de l’hydrologie régénérative est ainsi de ralentir ce cycle-là en permettant à la pluie de davantage s’infiltrer dans les sols, sachant que l'ingénierie d’une cuve est 800 fois moins efficace que le stockage dans le sol lui-même. L’eau remontant par capillarité, par le bas et de manière verticale pour nourrir les plantes, il paraît donc urgent de faire en sorte d’augmenter la capacité des sols à absorber l’eau des pluies grâce à leur qualité et aux forêts alentours, absorption qui se trouve fortement dégradés pour les sols pauvres.
L'OASIS DE SERENDIP
:
Nous avons retrouvé Samuel le soir-même à Eurre sur l’oasis de Serendip, un rêve utopique qui s’est réalisé en projet concret en 2015, lors de l’achat de cette ancienne ferme et 12 hectares de terrain, avec un collectif qui ne se connaissait pas auparavant et dont la difficulté du facteur humain s’est rapidement fait ressentir. L’idée était de créer un lieu d’habitation, d’apprentissage et d’expérimentation en permaculture: beaucoup d'intérêt est porté sur l’agriculture expérimentale. Lors de notre soirée sur les lieux, nous avons déambulé entre des grandes lignes de vergers fruitiers, une culture de plantes médicinales et aromatiques au sein d’un mandala, cela fait tout en questionnant à chaque fois la manière d’être le plus résilient possible en énergie, en eau, et sans avoir la nécessité d’utiliser des technologies modernes et machines. Le projet est encore en cours d’installation aujourd’hui après son arrêt à cause de nombreuses désillusions, de conflits au sein du collectif ainsi que des problèmes avec leur acceptation par la Mairie. Notre découverte nous a permis de nous rendre compte de la complexité de l’installation d’un tel projet et surtout de l’importance du “putain de facteur humain” qui pointe la complexité des interaction humaines.
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TERRE DE LIENS
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Nous avons rencontré Valentine, bénévole dynamique et optimiste de Terre de Liens, qui nous a fait part de son expérience au sein de la grosse machine qu’est devenue terre de liens et son rôle de contre-pouvoir. Cette association de 1300 bénévoles actif.ve.s a été créée dans les années 1970s, par un collectif de néo ruraux ancré dans un mouvement d'éducation populaire et de lutte pour une vision sur le long terme défendant l’accès au foncier aux petits producteur.rice.s, l’agriculture biologique et se souciant du bien-être des agriculteur.rice.s. La création d’une foncière puis d’une fondation a permis de récolter une épargne privée afin de mettre à disposition des terres aux paysan.es qui portent des projets variés. Les projets sont choisis par les bénévoles et doivent répondre à des obligations de respect de l’environnement et des travailleur.rice.s. Créée par des individus ayant des connaissances pointues du secteur de la finance et du droit, elle représente une structure légale et juridique bien pensée et possible grâce à l’articulation du réseau associatif, de la foncière et de la fondation. La division du réseau associatif en 19 associations territoriales régionales avec un conseil d’administration puis des groupes locaux, comme par exemple dans la Drôme, permet aux futur.e.s fermier.es d’avoir une expertise la plus proche possible du terrain, et une mise en réseau directe avec les autres projets, acteur.rice.s et associations du territoire. Leur but est de sortir des logiques de spéculation foncière et de répondre à une urgence de notre époque : sauver les terres agricoles. Leur action interpelle : leur site de petites annonces pour les paysans est d’ailleurs plus visité sur internet que celui de la chambre de l’agriculture. https://terredeliens.org/ https://www.objectif-terres.org/
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CHÂTEAU PERGAUD
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À Allex, l’association de l’Université de l’Avenir et ses 14 coopérateurs.rices achètent ce magnifique château pour monter un projet d’habitat intergénérationnel après la création d’une SCI Société Civile Immobilière qui leur a permis d’investir collectivement. Le Pergaud repose sur trois piliers: la recherche d’une autonomie alimentaire (maraîchage sur 2500m2) et énergétique (éolien); la dimension artistique et culturelle avec l'accueil de nombreux.euses circassiens.ennes et de concerts, bals, spectacles; et enfin l’épanouissement du collectif pour vivre ‘solidairement et harmonieusement'. Le profil des habitant.e.s-qui sont maintenant 20 adultes et 10 enfants permanent.es- est très divergents, mais reste accessible qu’à une certaine détention d’un capital financier car l’installation nécessite un investissement dans les parts de la SCI. https://www.chateaupergaud.fr/
ILOT 1000 FEUILLES
:
Nous avons rencontré le collectif d'agriculteur.rice.s l’Ilot 1000 feuilles, sur leur lieu de production situé dans la commune d’Eurre : c’est Corine d’ « Eclat de Vert » qui nous a accueilli.es: elle gère une entreprise individuelle de production de plantes à parfums, aromatiques et médicinales. Deux autres entreprises sont présentes sur le lieu : « Les Voix Lactées », deux bergères-fromagères avec un troupeau d’environ 50 brebis en lactation et « Le Chant des Carottes », un maraîcher bio. Entre les membres de cette association, partager ce terrain faisait sens puisqu’il.elles ont une idée commune de ce que devrait être l’agriculture : aller vers une approche agro-écologique et travailler sur de petites surfaces. Les structures communes à ces trois entreprises, telles leur boutique sur place, ouverte les mercredis ou leur bureau, sont gérées par l’association L’Ilot 1000 feuilles. À l’inverse, les profits de chaque entreprise n’est pas mis en commun, ce qui convient le mieux selon Corine, notamment car il existe de fortes inégalités de rémunération entre les activités. Après avoir été supportés trois ans par l’association Les compagnons de la terre (2015-2018), dont le but était de mettre à disposition des terres à des personnes souhaitant créer leur projet pour une durée de trois ans (à travers un contrat d’appui au projet d’entreprise), iels souhaitent racheter avec Terre de lien le lieu sur lequel iels avaient travaillé. Finalement, le rachat fut rendu impossible car la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural),a effectué une plus-value sur la vente, ce qui était contraire aux principes de Terre de lien. En 2019, la Communauté de commune CCVD a pu racheter ce terrain et le leur louer sous la forme de baux ruraux environnementaux (nouvelle forme de bail prévu par la loi d'orientation agricole de 2007, qui vise à imposer des pratiques plus respectueuses de l'environnement sur les parcelles désignée: un propriétaire d'une terre (bailleur) loue à un agriculteur (preneur) en imposant certaines conditions de respect de l'environnement, généralement sur la base d'un plan de gestion). Mis à part les difficultés humaines (le fameux putain de facteur humain) rencontrées, le collectif est aujourd’hui inquiet quant à son accès à l’eau, l’été ayant été très sec dans la Drôme. Face aux commentaires de la préfète rassurant la population drômoise sur la sécurité alimentaire qui serait soit-disant garantie par les grandes surfaces (donc pas besoin de s’inquiéter, rire cynique), la réalité est tout autre : leur impossibilité de planter à temps les productions d’automne par manque d’eau et la frustration de voir de l’eau versée en grande quantité sur des grands champs de monoculture rend le mois d’août compliqué.
AGRI COURT
:
Depuis 2011, l’association Agri Court porte le projet de lier la restauration collective avec les producteurs locaux drômois. En tant que fournisseuse, ayant gagné des marchés publics, Agri Court s’est forgée une place au sein des cantines des établissements scolaires de la Drôme, la restauration collective représentant 80% de son chiffre d’affaires. L’association fonctionne en flux tendus, c’est-à-dire que ses client.e.s commandent parmi un large choix de produits, et en fonction de ces commandes, elle commande aux producteur.rice.s, qui à leur tour livrent les produits sur leur plateforme à Eure. Enfin Agri Court assemble les commandes et les livre aux restaurants collectifs. La petite centaine de producteurs drômois et ardéchois (deux départements avec des productions complémentaires) conventionnés avec l’association est à environ 90% en agriculture biologique, le reste étant majoritairement en conversion, et tout ce beau monde n’est pas mis en concurrence : seul compte les bonnes pratiques et l’ancienneté. La juste rémunération des producteur.rice.s et la prise en compte de leur structure sont des valeurs fondamentales qu’Argi Court souhaite respecter « quitte à rogner les marges », comme nous le présente Jeanne, la responsable relation-producteurs. Grâce à un travail de planification des commandes, Agri Court anticipe ses besoins au début de l’année et détermine avec les producteur.rices les volumes sur lesquels il.elles souhaitent s’engager : en fonction de cela les producteur.rice.s peuvent planter leurs semis. D’ici la fin de 2022, l’association a pour but de devenir une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), un statut juridique prenant en compte chacune des parties prenantes et permettant d’améliorer la gouvernance. Par la suite, l’association souhaiterait obtenir un label équitable pour pouvoir, dans le cadre de la Loi Egalim 2 (obligation d’un pourcentage de produits ayant une certaine qualité : bio, équitable, etc.), élargir son impact car il sera un argument en plus pour les restaurants collectifs). https://agricourt.fr/
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BIOVALLÉE
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L’association Biovallée, dont la marque avait été déposée en 2002 par le Val de Drôme, a été créée en 2012 dans le but de valoriser la marque à l’international et de renforcer la mise en réseau entre les acteur.rices du territoire. Il s’agit donc de mettre en commun des ressources par des acteur.rice.s d’un même territoire, en vue de les économiser, de les réutiliser ou d’en améliorer l’usage face aux besoins : par exemple le partage d’infrastructures, d’équipements, etc. La gouvernance partagée était initialement composée de trois collèges : entreprises, assos, collectivités, il y en a aujourd’hui quatre car s’est ajouté le collège des habitant.es. Au cours de notre rencontre avec l’association, on nous fait part de leur volonté de faire naître un collège pour les non-humains. Le conseil d’administration de l’association est composé de 24 personnes, 6 personnes élues par chaque collège. En 2017, l’association a porté son projet le plus important : la candidature de la Biovallée au projet Territoires d’innovation grande ambition (Tiga) mené par le Secrétariat général pour l’investissement à l’échelle étatique. La candidature rassemblait trois intercommunalités : Communautés de Communes du Diois, Crestois-Pays de Saillans et Val de Drôme. Le but était de faire du territoire un laboratoire d’expérimentation pour la transition écologique dans les milieux ruraux. La candidature ayant été validée en 2019, le budget prévisionnel du projet est de 53 millions d’euros, dont 5,7 millions prévu de subvention par l’Etat (dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir – PIA) et 12,8 millions d’euros de potentiel d’investissement par l’Etat. Ce projet, qui touche 56 000 personnes via 29 partenaires dont les trois collectivités, a des objectifs ambitieux à l’horizon 2030 comme développer une agriculture biologique à hauteur de 80% ou réduire de 30% le tonnage de déchets. C’est une « collaboration historique » entre tous.tes les acteur.rices qui a eu lieu, comme nous le dit Claude Boudeulle (vice-présidente de l’association) quand nous la rencontrons.
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