El Capitan & Alterfixe, l'auberge auotgérée participative & l'association d'aide à l'installation agricole en collectif

El capitan, el capitan… Par où commencer?

El Capitan, c’est d’abord un Bénoni, un breton que nous avons rencontré sur le festival Champs Magnétique du tiers lieux créé par la Maison Forte. Il s’agissait de leur grand rendez-vous ciné, débat, politique annuel qui tournait cette année autour du thème de l’action(s) locale(s), des territoires politiques.

Béno, un ancien ingénieur, faisait partie des intervenant.e.s dans les débats, et ses interventions nous ont conduit à de grandes discussions tardives concernant les coopérations au sein entre habitant.es et lieux associatifs des ruralités, le développement territorial alternatif et la nécessité de l’ancrage territorial et du réseau local pour agir. Il se rendait à vélo sur le chemin de l'éco-système coopératif TERA (un écovillage expérimental dans le lot-et-garonne) dont nous avions beaucoup entendu parlé et faillit visiter. Il nous parlait et nous reparlait de l’auberge autogérée dans laquelle il s'était installé il y a une année: le tiers lieu d’El Capitan, dans le fameux “bocage ornais”, qui avait presque l’air d’une terre sainte dans sa voix. Ses grands cœurs dans les yeux à l’évocation de tous les projets engagés nous ont finalement motivés à aller découvrir ce fameux El Cap.

Alors zioup, direction la Normandie, et plus précisément le bocage ornais et ses petites maisons grises en granit, ses chapelles toutes mignonnes, et ses fontaines de cidre abondantes (ça, c’est dans nos rêves), pour arriver, après quelques galères de stop, dans l’immense maison en pierre d’El Cap, une auberge ultra chaleureuse dans laquelle on trouve partout des petites notes pour que son autogestion soit possible.

Un projet sur pattes depuis 2018 qui prend sa source face au constat des limites écologiques et sociales largement dépassées, et à un réel déséquilibre entre monde urbain et territoires ruraux. La génération en quête de sens a créé un tiers-lieux qui se définit comme un espace de vie partagée pour découvrir la dynamique du vivre ensemble, pour inspirer puis surtout connecter les gens au territoire, entre citoyens, entre tiers lieux..

Là bas, nous avons très vite remarqué que de maintes discussions commencent par “je suis venu.e à El Cap pour quelque jours il y a quelques mois puis….”, le classique puisjesuistombéedanslevortexdubocageornaisetjemesuisinstallerpasloinparcequecesttropchouetteici, que l’on a souvent entendu au cours de notre voyage.

Les valeurs du lieu, c’est donc l’auto-gestion, le partage de savoirs, le commun, l’inclusivité et la connexion au territoire, au service d’une dynamique locale. Il fonctionne sous la forme de contributions financières ‘suggérées’ (de 20€/ nuit mais adaptable selon les moyens) et de participation libre pour la nourriture. L’idée de l’auberge est donc avant tout d’être un pont, une passerelle entre ville et campagne, qui facilite les échanges, rencontres, opportunités de coopération, puis souvent, d’installation. Tout le monde peut venir quelques jours pour découvrir la dynamique et le collectif, et toute asso peut privatiser l'auberge pour des week- ends collectifs.

Puis, il y a Alterfixe, projet et association issue de personne très liées à El Capitan (la plupart sont souvent des personnes “référant.e.s” au sein de la maison . Alterfixe est une asso qui aide à l’installation de collectifs agricoles sur le territoire normand. Constatant avec effroi que d’ici 10 ans, plus de la moitié des agriculteur.rices et fermier.es partiront à la retraite sans reprise de fermes, s’est posé la question de ce que deviendront toutes ces fermes, de la production et la sécurité alimentaire, et leur potentielle rachats pour continuer à faire grossir des productions agricoles intensives qui ne cessent déjà de s’agrandir depuis des décennies. En effet, la concentration foncière se fait doucement sans qu’on la voit (au sujet de l’évolution et de la modernisation de l’agriculture, on conseille le court livre “La plaine”, de Gaëtan Elie qui a fait une très bonne analyse de l’évolution du secteur de l’agriculture à travers une ethnographie poussée au sein du territoire de la Beauce, un berceau français d’une agriculture intensive).

Alterfixe aide donc des personnes non issues du milieu agricole souhaitant s’installer en collectif, il s’agit d’un espace de rencontre entre porteur.euses de projets et agriculteur.rices, de la mise en lien, notamment dans le cadre de camps d’été de trois semaines (phase 1) lors duquel se sont par exemple formés quelques groupes pour reprendre la suite d’une ferme laitière. La Phase 2 d’Alterfixe commence dès la fin du mois de décembre: il s’agit d’un programme d’accompagnement sur 5 mois pour consolider le collectif agricole et faire atterrir le projet d’installation dans le bocage ornais, au sein d’une ferme laitière, le lait représentant 35 % de la production agricole en Normandie en 2017 (il s’agit du premier produit agricole régional).

Pour conclure, ce qui nous a plus, c’est la richesse des rencontres sur le territoire. Une quarantaine de personnes gravitent autour d’El Cap, et ils sont fortement liés avec les collectifs environnants, les associations, des lieux plus ou moins militants, plus ou moins réformistes, des néo-ruraux ou gens.tes du pays, des jeunes ou moins jeunes qui se sont lancés dans des activités et projets aussi variés et divers qu’un atelier de réparation de vélo, une presse de jus de pomme,une installation maraîchères bio, la production de soja pour du tofu, une cyclo-musicienne de balades sonores, le projet d’une maison du soin… Tout cela dans une ambiance familiale et dans un cadre idyllique. Un petit coin de paradis qui reste malgré tout un microcosme de jeunes issus de hautes études, ou ayant eu accès à de longues formations, souvent d’origine sociale plutôt favorisées, dire le contraire serait malhonnête de notre part.

Images provenant du site https://www.elcapitan.fr/ et https://alterfixe.fr/