Le Moulin Bleu, une grande coloc joyeuse, résiliente & queer

Étude de terrain de Juillet 2022

12/7/20223 min read

      Début juillet, alors qu’Agathe retrouvait une amie rentrée d’un an de voyage lors d’une semaine de randonnée pyrénéenne, Rosalie et Émile ont fait du stop depuis Paris (audacieux…sortir de la capitale en stop n’était pas une mince affaire - ne rien lâcher si cela vous arrive) direction Tours. Sans caméra, iels sont parti.es pour participer et prêter main forte sur un chantier participatif au Moulin Bleu.

Dans cet ancien moulin à eau, construit sur les bords du Loire il y avait en effet du pain sur la planche : les planchers étaient en mauvais état, une bibliothèque était en construction, à l’extérieur, était prévu d’ériger une serre. Alors, hop, au boulot, la tente installée, une habitante nous fait faire le tour de ce grand terrain (plus de 12 hectares si nos souvenirs sont bons) et nous explique le fonctionnement des chantiers. L'organisation y était millimétrée, tout était pensé : l’intendance (tous les régimes, jusqu'au plus contraignant étaient prévus à l'avance), les horaires, les pauses, etc. Ce qui a fonctionné et, bien qu'un peu scolaire, nous a semblé réconfortant compte tenu du grand nombre de personnes venues pour le chantier (le lieu ayant accueilli jusqu'à 60 personnes au moment où nous y étions). Qui étaient-iels d'ailleurs ? Etudiant.e.s, punks, jeunes ou vieux, en voyage, à la recherche d'un lieu, les profils étaient variés. Nous formions une drôle de troupe. 

Nous (les personnes venues prêter main forte) dormions dans des tentes et dortoirs tandis que les habitant.e.s permanent.e.s vivaient dans la maison en face du moulin (leur habitat habituel). Au cours de l'année, les visiteur.euses ne sont pas là souvent : la seule occasion pour laquelle Le Moulin Bleu ouvre ses portes, est lors de chantiers participatifs et autre occasion rare. En effet, une grande partie des habitant.es de ce lieu ont un travail en dehors de leur activité sur le lieu, ce qui limite les moments de disponibilité.

Un des importants sujets pour le Moulin Bleu : les dynamiques de genre/entre différentes sexualités. Des discussions et des chantiers étaient créés en mixité choisie sans mec cis, chacun.e devant faire attention à sa place dans un chantier, etc. Nous avons donc vécu l’alliance entre l’apprentissage de compétences et la sensibilisation aux questions de genre et l'avons vécut comme un exercice intéressant, parfois libérateur.

Ces chantiers ont lieu plusieurs fois dans l’année, notamment l’été, et sont animés par les 18 habitant.es (iels étaient presque tous.tes là). Ces dernier.es (bien que les dix-huit habitants ne soient pas les même que les dix-huit propriétaires) ont décidé d’acheter ce lieu en 2020 après le Covid, et l’ont depuis bien modifié : un verger a été planté, le plancher d’un étage du moulin a été refait et iels ont pu s’installer dans une grande bâtisse toustes ensemble. Après avoir cherché deux ans (à partir de 2018), s’être réuni pour s’entendre sur les différentes visions pour le futur, s’être mis d’accord, c’est le confinement, qui les a poussés à acheter ce moulin. C’est sous la forme d’une SCI (Société Civile Immobilière : structure juridique constituée a minima de deux personnes, chacune ayant le statut d'associé, afin de gérer un ou plusieurs biens immobiliers) que s’est déroulé l’achat. Aujourd’hui tous les propriétaires ne sont pas habitant.es et tous les habitant.es ne sont pas propriétaires (même si ces situations sont largement minoritaires). L’organisation du lieu se fait à travers un système complexe et défini qui lie la SCI et une association. Les propriétaires du lieu ont des droits de décision sur les changements structurels du moulin, l'association est destinée à gérer la vie de tous les jours dans cette grande colocation de dix-huit personnes. Par exemple, pour financer les dépenses, chacun.e cotise tous les mois en fonction de son revenu : il existe une base et un pourcentage est ajouté pour chaque tranche de 100 euros en plus gagnée. Ce mode de fonctionnement a été déterminé car les habitant.es souhaitaient valoriser la présence de personnes consacrant davantage de temps que d’argent au lieu. Aussi, pour entrer définitivement dans cette grande colocation, il existe une procédure qui dure six mois, au cours de laquelle la personne est présente sur place. Un grand nombre de règles ont été établies pour que chaque chose et chaque aspect de la vie quotidienne soit établie de façon claire et précise.